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Dans la continuité du Grand Paris : Paris et sa banlieue sont en pleine réinvention. Plus principalement, dans mon cas, le quartier de la Seine-Saint-Denis. Saint-Denis est un livre d’histoire : ville médiévale, nécropole royale, haut lieu de la révolution industrielle puis grande ville ouvrière. La ville autrefois d’une grande importance sociale a connu au fil du temps une dégradation historique, urbanistique et social : notamment éclipsé par Paris. Aujourd’hui, la ville veut se réinventer. Saint-Denis accueille de nouveaux habitants toujours plus nombreux, grâce à une politique de construction de logements très dynamique et à un cadre de vie sans cesse amélioré.

Nous nous concentrerons sur la nouvelle dynamique qui engendre la réinvention du quartier de Saint-Denis. En effet, tout changement vient créer un nouvel écosystème. Il faut trouver un moyen de cohabiter, entre les anciennes architectures et les nouvelles, entre les habitants et les nouveaux venus, et tout le flux quotidien que fera naître ce nouveau pôle de la région parisienne. La création d’un commun entre une mixité sociale, spatiale et urbanistique.

Cette nouvelle dynamique engendrera un flux étudiants important. Un étudiant par définition est un individu en exil. Plus précisément dans le cas de la création d’un logement étudiant, rendant ainsi ses derniers nouveaux habitants du quartier mais également nouveaux indépendants déplacés. Il y aura un processus d’intégration de l’étudiant dans ce nouveau quartier mais également des étudiants entre-eux.

Dans quelle mesure une architecture peut-elle créer une vie commune?

 

 

 

 

 

 

La socialisation dans un nouvel environnement en reconstruction peut être compliquée. Apprivoiser le sentiment de solitude est un enjeu déterminant lorsque l'on débute ses études supérieures, mais également tout au long de la vie chaque fois que l'on doit s'adapter à un nouvel environnement au sein duquel nos repères sont modifiés. “Paris est une solitude peuplée. Une ville de province est un désert sans solitude.” nous dit François Mauriac. L’un des problèmes majeurs chez les étudiants, c'est la solitude. Beaucoup d’étudiant avec pour objectif la poursuite de leurs études se trouvent dans l’obligation de déménager et de changer de cadre social. Il y a une véritable rupture de nature existentiel d’un ancien mode de vie. Par définition, un étudiant, est un exilé en déplacement. En effet, la plupart des étudiants quittent leur domicile familial, leur ville et donc leurs amis afin de poursuivre leurs études. Et la solitude est la première conséquence de cet exode. 

On assiste à une rencontre avec un nouvel espace scolaire, souvent très vaste, dans lequel il faut apprendre à s’orienter. On peut décrire un effritement des réseaux relationnels des étudiants. « Au lycée, tout le monde se connaissait. Ici personne ne nous connaît et on connaît personne. » Son cadre référant étant loin, il se faut s’autodéterminer. Il se doit de recréer un cadre social avec de nouvelles normes et de nouvelles valeurs. En effet, le cadre social se définit par l’ensemble des règles et des normes que l’individu intériorise afin de vivre en collectivité et de profiter des protections et des richesses que la vie en société apporte. Cette immersion dans un nouvel environnement peut engendrer une anomie. C’est-à-dire, une perte de repères culturels ainsi qu’un affaiblissement des valeurs et des normes jusqu’ici, qui caractérisait l’individu. Mais, la seconde étape, et la ré-appropriation de nouvelles normes qu’engendre se type d’habitation. C’est une socialisation du vivre ensemble et une transmission sociale des normes et des valeurs. 

 

 

 

 

Serge Bonnet et Bernard Gouley dans Les ermites affirment que “la solitude appelle la multitude.”. Beaucoup d’étudiants se retrouvent dans cette situation c’est donc pour pallier à ce problème que certains d’entre eux ont choisi l’option de la résidence étudiante. Rencontrer des personnes dans la même situation partageant ou non les mêmes intérêts. Il y a un véritable enjeu sur la création d’un commun avec d’autres solitudes. Le but premier de ces résidences est l’interaction et la socialisation.  

Les étudiants constituent un groupe social très hétérogène (âge, nationalité, milieu social et familial, filière d’étude, pratique culturelle.). L’arrivée à l’université implique une rencontre avec un nouvel espace urbain dans lequel il faut apprendre à se repérer. La résidence étudiante engendre une confrontation de la mixité social, culturel et spatial des étudiants qui y habitent. Il nous faut donc réinventer un système social où l’étranger à sa place. Un système cohérent avec ses normes et ses valeurs.

«L’homme n’est qu’un animal politique». En cela, Aristote, signifie que l’homme vit mieux dans une «polis», la forme la ville grecque. L’homme devient homme parmi les autres, en vivant dans une société régie par des lois et des coutumes. L’homme développe son potentiel et réalise sa fin naturelle dans un contexte social. Il s’agit de la «bonne vie». Ce n’est pas une vie facile, mais une vie de vertu qui se traduit par le souverain bien (eudaimonia),  souvent traduit comme le bonheur. « La nature, en effet selon nous, ne fais rien en vain, l’homme est le seul animal doté de la parole car c’est le caractère propre à l’homme, de n’être le seul à avoir des sentiments du bien et du mal, du juste et de l’injuste, et d’autres notions morales, et c’est la communauté de ces sentiments qui engendrent famille et cité. » - Aristote, La politique. Par là, Aristote, signifie que la cité n’est pas un état contre nature et affirme que l’homme n’est pas un être insociable, rebelle à l’état civil. Pour Aristote, l’homme tend par nature à vivre en cité. En réalisant cette tendance, il accomplit cette nature. Cette thèse établie que l’homme est un être inachevé n’ayant pas de réalité hors les liens sociaux au sein de laquelle il accomplit les fins de sa nature. « Sans famille, sans loi, sans foyer, il est comme une pièce isolée au jeu de trictrac. ».

 

 

 

 

 

 

 

L’architecture nous fait passer d’une cohabitation à une vie commune. L’architecture en elle-même tend à faire naître une vie commune. Les différentes places publiques, viennent naturellement créer une vie commune.  En inspiration du système du forum romain. Le forum est pour les Romains la place publique où les citoyens se réunissaient pour marchander, traiter d’affaires politiques ou économiques, célébrer des fonctions religieuses. Centre mythique de la fondation de la cité, dans notre cas de résidence étudiante, les différents espaces communs comme le marché, les zones de pique-nique et les volumes offerts par le foyer font office de places publiques. Il y a, au total, trois zones distinctes de vie, avec une proportion d’espace public et privé. En effet, la zone de marché, ouvert à tout le quartier, permet un véritable regroupement dans l’espace public. Ensuite, au-dessus, nous avons le foyer, un lieu principalement réservé à la vie étudiante avec des espaces de travail et de détente. Et pour terminer, nous avons les espaces privés, individuel avec les chambres étudiantes. C’est la création d’une vie commune dans la verticalité. 

“Un bien n'est agréable que si on le partage.” nous dit Sénèque. Le partage, est l’action de diviser quelque chose et d’en faire profiter d’autres. Quoi de plus symbolique du partage, que la nourriture? Ce qui créait la liaison de ces trois zones est la nourriture. Le moment du repas, a toujours été cet instant d’échange, de convivialité, de partage. Manger, c'est aussi partager un moment avec les autres : famille, amis, amoureu(se), collègues, copains, clients… Repas du dimanche, repas d'affaires ou dîner aux chandelles, le repas est l'occasion d'échanger, de faire connaissance, de se confier, de s'amuser, de travailler, de négocier, de vendre, de réfléchir, de séduire, de lutter. On l’appelle la commensalité, une attitude propre à l’homme. Ce mot désigne le fait humain de partager le repas avec un ou plusieurs hôtes habituels. Le commensal est la personne avec qui on partage ordinairement le repas, qu'elle appartienne au cercle de la famille ou à celui des hôtes habituels. Des règles régissent ce moment. La répartition de la nourriture et des places autour d’une table, l’importance de ce rituel et l’heure de la journée à laquelle il a lieu. La table reflète comme une mise en scène d’un « fait social ». C’est dire que l’espace de la table constitue une mise œuvrée, d’un rituel. Il y a une organisation culturelle qui maintient et assure la complexité humaine. Dans la majorité des traditions que traduisent les mythes, les contes ou les religions, l’acte de manger seul recouvre une très forte connotation d’anormalité. Le mangeur solitaire n’apparaît pas d’abord comme un homme que des circonstances auraient physiquement isolé du vivre-ensemble, mais comme un être essentiellement coupé de la communauté. Dans son étude, manger, c’est manger ensemble, E. Masson retient ainsi trois figures du mangeur solitaire qui ont marqué notre tradition et qui mettent en cause l’humanisation même de l’homme : l’ermite, le sauvage et le fou. Manger seul n’entrerait donc pas dans la définition d’un « vrai repas », nourrissant l’homme. 

Manger ensemble, c’est (re)produire du lien. C’est d’ailleurs là un paradoxe fondamental de l’alimentation, souligné par Georg Simmel, que l’acte essentiellement individuel de se nourrir et d’en tirer du plaisir soit en même temps un acte rassembleur, catalyseur de la vie sociale. Nous avons besoin, pour reprendre Lévi-Strauss de « manger du symbolique » c’est-à-dire d’incorporer des valeurs liées aux aliments et surtout de le faire ensemble dans un rituel qui détermine la valeur des aliments et des boissons (prescrits et proscrits), et ce dans toutes les civilisations pour construire une identité collective. 

 

 

 

 

Tout étudiant connaîtra un sentiment de solitude au cours de son cursus scolaire. La création du commun est le résultat de différents schémas permettant de créer une vie commune. Dans une société nouvelle, l’espace crée le lien entre ses habitants. Avec la résidence SHOME, les espaces construits influencent les échanges entre les habitants de l’immeuble, à l’image des forums antiques. SHOME est une résidence qui a pour but de transformer une simple cohabitation en une véritable communauté grâce à ses espaces publiques et la création d’une vie commune autour de la nourriture. 

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